Amitié Gardoise
Nous sommes allés passer quelques jours chez mon amie M.entre le 29 et le 31 décembre.
M. est comme on dit "une personne agée"... elle me toise du haut de ses 77 ans.
Il pourrait paraître saugrenu, voire étrange, que moi, Jim, 33 ans, je "gravite" autour de cette dame qui a tout bonnement plus de 44 ans que moi. Je m'interroge parfois sur le pourquoi de cette amitié improbable entre un gay et une dame esseulée...
Nous nous sommes rencontrés il y a maintenant 6 ans. Je vivais alors dans le Gard, à Nîmes, je venais de vivre une rupture assez traumatisante et j'étais quelque peu autiste dans cette ville qui n'était pas la mienne. Refermé sur moi avec comme seuls compagnons les livres de poche que j'achetais en quantité industrielle à la librairie du coin. Je venais aussi de perdre mon boulot... c'est tout dire !
Je m'accrochais tant bien que mal aux quelques activités que je pouvais bien avoir à Nîmes, persuadé que celles-ci me permettaient de garder la tête hors de l'eau.
Je prenais des cours de chant chez un vieux "maître" gardois qui avait eu son heure de gloire dans les années 40. C'est là, sous les hauts plafonds de son hôtel particulier du 18ème siècle que j'ai rencontré M. Il faut avouer que les cours de chant sont en général un repère à mamies !
J'étais une sorte d'anachronisme au milieu de ses cheveux permanentés et de ses sacs à main en simili beige amoureusement serrés sur les genoux, mais qu'importe, j'avais en poussant la chansonnette devant ces hommes et femmes l'impression d'exister un peu.
Le premier contact que j'ai pu avoir avec M. n'était, de prime abord, pas des plus agréables. Je perçus, alors qu'elle me croyait hors de portée d'écoute, une conversation qu'elle eut avec sa voisine immédiate : Elle : "Il est joli garçon..."; sa voisine : "Mais tu ne sais pas ??"; elle : "Quoi ???"; sa voisine : "Il est COMME ça..."; elle : "nonnnnnnn... Quel dommage !".
Elle savait. Bien. Cela évitera de longues et fastidieuses présentations.
Quelques temps plus tard, après l'un de nos cours chez notre "maître", j'appris que M. allait au spectacle quelques heures plus tard et qu'elle ne savait trop que faire en attendant l'heure de l'ouverture du théâtre... tout naturellement je lui offrais mon hospitalité qu'elle accepta immédiatement.
Notre histoire commença ainsi.
Je me rendais compte bien vite que pas mal de choses nous unissaient. La solitude tout d'abord. Nous vivions, elle depuis bien plus lontemps que moi, cristallisés dans une solitude dévorante... Je savourais plus tard encore les qualités de M. personnage haut en couleurs, rigide certes, mais d'une grande humanité, d'une grande intelligence, d'un humour certain et d'une ouverture d'esprit que bon nombre de "jeunes gens" actuels n'ont pas...
M. était devenue mon amie.
Depuis mon départ de Nîmes, depuis mon retour en pays catalan nous restons en contact, elle reste pour moi une sorte de repère, une sorte de point d'ancrage dans une période qui ne fut pas si lamantable que cela. Elle ne fut pas lamantable cette période, puisque je l'ai rencontré et que j'ai rencontré D.
Elle ne fut pas si lamantable puisque j'ai découvert que l'on pouvait être tolérant et cool à 77 ans, plein de vie, plein de "peps" et d'humour. M. m'a réconcilié avec le grand âge. C'est déjà pas si mal !